Un téléphone sans apps

Les ordinateurs me fascinent depuis que mon papa en a ramené un à la maison. J’avais alors 6 ans, et je ne m’en suis jamais remis.

Mon premier ordinateur (un 386 SX 16) ressemblait un peu à celui-ci

Quand on transmettait des messages à cette grosse boite ronflante, elle répondait en affichant quelque chose, ou en émettant un bruit criard. Mais ce qui me fascinait le plus c’était la quasi-infinité de possibilités offertes par cette machine. Il suffisait juste de se mettre à la place de la machine pour deviner quelles commandes lui feraient faire ce que je souhaite. Le manuel de référence de MS DOS 3 et “Le grand livre QBASIC” sont alors devenus mes livres de chevet, et mon père a du supporter les “blagues” que j’avais programmé pour lui faire croire que le disque-dur s’effaçait sous ses yeux au démarrage de l’ordinateur. (sans rancune, papa !)

Aujourd’hui les possibilités des ordinateurs — y compris nos téléphones portables et autres appareils connectés—sont encore plus importantes, et leur miniaturisation permet de profiter de leurs services de manière plus diffuse dans notre vie de tous les jours. Notre poche vibre pour nous nous rappeler de passer chercher le pain lorsqu’on passe devant une boulangerie, et on obtient la définition d’un mot en le prononçant à haute voix. Cette ubiquité nous amène à utiliser de plus en plus de services, d’apps, pour mieux s’informer, se sentir plus connecté à nos proches, et nous motiver dans les objectifs que l’on s’est fixés (ex: Runkeeper). Comme pour l’accès à l’information depuis la popularisation du web, le problème n’est plus de trouver une app, mais de trouver la plus adaptée à ses besoins. Il suffit de taper “todo list” dans l’App Store pour s’en convaincre (j’obtiens 1867 résultats).

Au final, chaque app est un peu comme un ordinateur. Elle est douée d’intelligence, mais impose une manière de l’utiliser, de communiquer avec elle. Selon le cas, l’utilisateur s’exprime en remplissant des formulaires au clavier, vocalement (ex: Siri), ou à l’aide de gestes (le fameux “swipe” de Tinder). L’app peut alors répondre en affichant des informations sur un écran de manière plus ou moins intrusive (ex: notifications), en vibrant, en parlant, voire même en actionnant d’autres appareils (ex: réglage du chauffage de la maison). Même si le concept de “manuel d’utilisation” est devenu obsolète grâce aux progrès en conception ergonomique d’interfaces graphiques, chaque app propose son lot de fonctions à elles, et sa manière de permettre l’utilisateur de communiquer avec elle.

Sachant que chaque app impose à la fois ses propres fonctionnalités et sa propre interface avec l’utilisateur (entrées, représentation des résultats, notifications), on peut dire que la plupart des apps qui nous sont proposées ont été conçues de manière “verticale”. Chaque app n’est donc pas un outil, mais une machine.

Le problème avec cette approche, est qu’on se retrouve vite à installer des dizaines d’apps qu’on oublie finalement d’utiliser. Au final, on ne résout pas forcément tous les problèmes pour lesquels on a installé ces apps, et on a donc perdu notre temps — et de l’espace sur notre appareil, mais ça, c’est un autre problème…

Avant mon voyage en Amérique du Sud, j’avais une centaine d’apps installées sur mon iPhone 4s. Tellement que je les avais classées par “contexte”, afin de pouvoir les retrouver au bon moment.

Mais le phénomène le plus intriguant est d’avoir installé plusieurs apps remplissant la même fonction:

Et je ne parle même pas des applications “sociales”… Est-ce votre cas aussi ?

J’ai identifié 3 raisons à cette redondance d’apps ayant une même utilité:

Certains acteurs du web pensent que les apps devraient se contenter de produire du contenu sous forme de vignettes interactives (des “cards”), d’autres imaginent un téléphone sur lequel la bonne app s’active automatiquement dans le bon contexte. Pour ma part, je rêve d’un téléphone sans apps. Un téléphone qui proposerait des fonctions apparemment utiles en fonction du contexte (ex: “commander un taxi pour rentrer à la maison” quand il détecte que je sors d’un bar à 3h du matin), mais qui serait surtout capable de laisser l’utilisateur s’exprimer immédiatement, pour proposer seulement ensuite une fonction associée à cette saisie.

Hal, le célèbre ordinateur de “2001, l’Odyssée de l’Espace” (Stanley Kubrik, 1968)

Je rêve d’un téléphone où la principale interface est un champ de saisie intelligent. Tout au long de la saisie, au lieu de corriger mon orthographe, le téléphone reconnaitrait la nature de ce que je saisis, et proposerait une action appropriée.

Exemples:

Cette liste est bien entendu loin d’être exhaustive, mais je pense que vous avez saisi l’idée: une sorte de Siri qui ne nous imposerait pas de formuler de belles phrases à voix haute, mais surtout qui permettrait d’apporter des fonctionnalités à la demande sans nécessiter l’installation d’apps.

A ma connaissance, la solution la plus proche de cette vision est la fonctionnalité de recherche de Everything.me, mise au coeur de FirefoxOS. Google est aussi bien positionné depuis l’ajout de l’analyse sémantique des requêtes. Mais on est encore loins d’un téléphone sans apps…

Dans l’espoir que mon rêve de téléphone intelligent sans apps se réalise un jour, je propose une ébauche de plan d’action:

Dans un prochain article, je décrirai les cas d’usages et fonctionnalités de cette première étape, ainsi que les interfaces à prévoir avec ces services.

En attendant, je suis curieux de lire votre opinion, notamment sur les questions suivantes:

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👨‍💻 Software crafter @SHODO, legacy code / tech debt doctor (http://ajo.ovh/pro) 🥁 Drummer of “Harissa”, VR lover, music digger

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Adrien Joly

👨‍💻 Software crafter @SHODO, legacy code / tech debt doctor (http://ajo.ovh/pro) 🥁 Drummer of “Harissa”, VR lover, music digger